2022.03.07
Des organismes environnementaux dénoncent une décision imminente du gouvernement du Québec de permettre à la minière Champion Iron, qui opère la mine du lac Bloom, de détruire huit lacs en y déversant des résidus miniers, et ce, malgré l'avis défavorable du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement du Québec (BAPE).
Le quotidien montréalais Le Devoir rapportait ce 7 mars que le gouvernement du Québec a tranché: Minerai de fer Québec pourra détruire des lacs, des milieux humides et d’autres cours d’eau pour y stocker des centaines de millions de tonnes de résidus miniers au cours des prochaines années. L’évaluation environnementale de ce projet, qui est associé à l’expansion de la mine de fer du lac Bloom, concluait pourtant que celui-ci ne devait pas être approuvé.
L’information, publiée d’abord dans La Presse lundi matin, a été confirmée au Devoir par une source bien au fait du dossier. Malgré un rapport très critique du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), le gouvernement Legault a décidé d’autoriser le projet d’expansion du parc de résidus de Minerai de fer Québec, une filiale de la minière australienne Champion Iron qui a racheté la mine de fer du lac Bloom avec l’aide d’Investissement Québec en 2016.
Depuis la publication du rapport du BAPE, en mars 2021, des modifications auraient été apportées au projet de stockage, qui est néanmoins demeuré semblable à ce qui avait été soumis au processus d’évaluation environnementale du Québec. Le gouvernement du Québec devrait aussi exiger une compensation financière pour la destruction des milieux naturels. La Presse évoquait lundi un montant estimé à 20 millions de dollars.
L’entreprise espère poursuivre l’exploitation du gisement situé près de Fermont jusqu’en 2040, à raison de 15 millions de tonnes par année. Le minerai brut sera exporté par bateau à partir de Sept-Îles. Pour la durée de vie de la mine, l’entreprise évalue ses «besoins d’entreposage» de résidus miniers et de stériles à 1,3 milliard de tonnes, dont 872 millions qui devront être stockées dans de nouveaux sites localisés près de la fosse de la mine.
Dans une communication publique, les organismes appellent Québec à ne pas aller de l'avant avec cette décision tout en adoptant un nouveau règlement qui interdirait clairement cette pratique. «Cette décision irait totalement à l'encontre de l'avis même de nombreux experts indépendants qui proposaient des solutions de rechange pour éviter la destruction de lacs. Il ne faut pas, encore une fois, que Québec «bulldoze» la science et l'environnement au profit d'intérêts privés», dénonce Rébecca Pétrin d'Eau Secours.
Ugo Lapointe de Québec meilleur mine déplore des contradictions flagrantes entre les gestes et les paroles du gouvernement: «Une telle décision discréditerait complètement la campagne de relations publiques que Québec et l'industrie déploient depuis des semaines à grands coups de millions en publicités pour «verdir» l'image de l'industrie». André Bélanger de Fondation Rivières: «Comment le gouvernement et l'industrie peuvent-ils d'un côté prétendre vouloir fabriquer des éoliennes et des batteries vertes à partir de métaux du Québec, et de l'autre permettre de déverser des déchets miniers dans nos lacs? Ça n'a aucun sens.» Henri Jacob de l'Action boréale: «Avec une telle décision, la CAQ démontrerait encore une fois son mépris envers la protection de l'environnement et de la population en tassant du revers de le la main les conclusions du BAPE. Le gouvernement Legault doit cesser d'être à la solde des "money junkies" de l'industrie extractive». Dans un rapport sévère publié l'an dernier, le BAPE avait conclu que le promoteur «a fait des choix discutables» et «qu'il pourrait être techniquement et économiquement faisable de remblayer l'excès de résidus miniers grossiers dans la fosse» en évitant de détruire des lacs.
Alice-Anne Simard de Nature Québec conclut : «Québec ne doit pas être à la remorque du règlement fédéral. Nous sommes totalement d'accord avec la recommandation du BAPE pour que Québec se dote de son propre guide d'évaluation des solutions de rechange pour l'entreposage des résidus miniers. Le gouvernement Legault doit transformer sa simple directive environnementale en un règlement qui a force de loi. Il faut clairement interdire l'utilisation de lacs, de rivières et d'autres milieux hydriques pour l'entreposage des résidus miniers». Rappelons que le promoteur propose actuellement de détruire huit lacs et de nombreux milieux humides pour stocker des millions de tonnes de résidus miniers, dont un lac de 88 hectares. Le BAPE constate «qu'aucun autre projet» au Québec n'a causé la perte d'un lac «de cette ampleur».
La coalition Québec meilleure mine est un organisme fondé en 2008 et a pour mission de promouvoir de meilleures pratiques et politiques minières sur les plans social, environnemental et économique au Québec. Elle regroupe aujourd'hui une trentaine d'organismes.
Sur la Côte Nord, les membres actuels de la coalition incluent: Minganie sans uranium et Sept-Îles sans uranium; de même que le Regroupement citoyen pour la sauvegarde de la grande baie de Sept-Îles.
Photo : Mine Lac Bloom (a)
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