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Photo du rédacteurJean-Guy Gougeon

Sept-Rivières: un terreau fertile pour décarboner le Québec.

2024.03.13

Plus que jamais, le Québec souhaite se positionner comme un acteur majeur dans la transition énergétique à l’échelle de la planète. Sur la Côte-Nord, le territoire couvert par les villes de Sept-Îles, Port-Cartier et la communauté de Uashat Mak Mani-Utenam offre un terreau fertile où les initiatives abondent pour décarboner l’économie québécoise. C’est ce que rapporte la journaliste Johanne Martin dans la revue Prestige, qui a mené moult entrevues avec des intervenants économiques du milieu. «En raison de sa position géographique et de la qualité unique de ses ressources, le secteur peut devenir la locomotive du Québec en matière de décarbonation. Localisé à l’embouchure du Saint-Laurent et relié à la Fosse du Labrador par deux chemins de fer, nous avons déjà tout ce qu’il faut pour s’établir comme pôle de transformation des minéraux critiques et stratégiques!», lance d’emblée le directeur général de Développement économique Sept-Îles (DÉSI), Paul Lavoie.

Cette grande capacité de réduction des gaz à effet de serre (GES) s’accompagnera d’innovations technologiques et de retombées majeures en termes de croissance économique régionale et nationale. Plusieurs entreprises en place comme Aluminerie Alouette, ArcelorMittal, Rio Tinto–IOC, de même que de nouveaux joueurs tels H2 Green Steel et TEAL ont des projets ou de l’intérêt pour ce territoire hautement stratégique.

Le Port de Sept-Îles, premier port minéralier en Amérique du Nord, et le port d’ArcelorMittal à Port-Cartier, le plus grand port privé au Canada, constituent un complexe de classe mondiale. Ensemble, ils expédient annuellement plus de 60 millions de tonnes de produits de minerai de fer à la grandeur de la planète. Ils génèrent ainsi près de la moitié du volume maritime du Saint-Laurent et environ 15 % de la valeur des exportations annuelles du Québec. Au total, ce sont plus de 12 000 emplois qui sont créés par leurs activités économiques.

«Nous avons l’avantage concurrentiel d’avoir un minerai de fer de haute pureté (FHP) comparativement à nos compétiteurs du Brésil et de l’Australie. Le FHP est actuellement recherché par l’industrie mondiale de l’acier pour décarboner ses procédé», émet Pierre  D. Gagnon, président-directeur général du Port de Sept-Îles. Globalement, à l’échelle planétaire, l’industrie de l’acier est responsable à elle seule de 10 % de toutes les émissions de GES! En utilisant du minerai de fer (FHP), certaines aciéries sont en mesure de diminuer de plus de 50 % leurs GES. Plus encore, en introduisant l’hydrogène comme source d’énergie, il est possible d’atteindre 95 % de réduction des GES et ainsi produire de l’acier vert. Une nouvelle impulsion pour la transformation «Il y a, ici, beaucoup de possibilités pour contribuer à la décarbonation. Alouette est un chef de file mondial en matière de production d’aluminium vert. Nous avons aussi un minerai de fer d’exception. Maintenant, nous voilà à la croisée des chemins pour que de la transformation se fasse sous une nouvelle impulsion et profite d’un élan!»

Le président-directeur général du Port de Sept-Îles signale la production du premier métal vert. La société suédoise H2 Green Steel montre en effet de l’intérêt pour le secteur afin d’y construire un complexe de production d’hydrogène et d’acier vert, le tout premier en Amérique du Nord. Des retombées économiques annuelles estimées à plus de 1,2  milliard sont ainsi anticipées. Cela sans compter les projets que veut déployer ArcelorMittal. L’entreprise est entre autres précurseur dans un procédé destiné à réduire l’utilisation du mazout dans la production des boulettes de minerai de fer. Elle emploie désormais un biocarburant fabriqué à partir de la biomasse forestière rendue disponible par l’exploitant forestier Arbec. Depuis, ArcelorMittal utilise, grâce aux sous-produits du bois, du carburant vert pour la cuisson de ses boulettes. «Nous avons, aujourd’hui, un complexe forestier unique au Québec!» commente le commissaire industriel de Développement économique Port-Cartier, Bernard Gauthier.  «Au niveau technique, cette entente entre Bioénergie AE Côte-Nord et ArcelorMittal nous permet de croire que nous serons en mesure de dupliquer cette possibilité-là à d’autres endroits dans la province. Ce sont de bonnes nouvelles pour plusieurs municipalités mono-industrielles reliées à la forêt».

Une nouvelle usine, présentement en construction, complétera le complexe forestier intégré de Port-Cartier. La naissance de la compagnie Carbonity est le résultat d’une association entre le Groupe Remabec, Airex énergie et la multinationale Suez. Elle emploiera, elle aussi, les sous- produits du sciage afin de produire du biochar à échelle industrielle, une première canadienne. Bénéfique pour l’environnement, le biochar est destiné au marché agricole. Ce matériel amènera également une solution à la décarbonation de certains procédés industriels. Carbonity deviendra, à terme, la plus grande usine de production de biochar au monde. «Avec la décarbonation, on a de grandes entreprises qui, pour avoir un peu de pérennité, ont besoin de nouveaux blocs d’énergie. ArcelorMittal, qui possède le plus grand port privé au Canada, est par exemple en demande. L’entreprise a un projet d’usine de flottation qui permettait d’améliorer le bilan carbone au niveau de l’usine de boulettage. Il nous faut aussi cette énergie pour pouvoir être en mesure de baisser notre empreinte carbone au Québec», Bernard Gauthier, commissaire industriel de Développement économique Port-Cartier.

«Pour favoriser l’arrivée de grands projets dans la transition énergétique, ça prend du soutien, une expertise… et c’est là que nous intervenons. Dans la MRC, c’est le Cégep de Sept-Îles qui porte, en grande partie, l’effort de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Il est évident que nous voulons prendre part à toute cette démarche».

Le directeur général du Cégep de Sept-Îles, David Beaudin, rappelle que l’établissement collégial tisse des liens importants avec plusieurs universités québécoises et qu’il joue un rôle unique sur le territoire. Un centre d’innovation est d’ailleurs en train d’y voir le jour. À même le Cégep, ce sont trois unités de recherche et innovation qui sont déployées dans le cadre du projet de construction de 42 millions de dollars en cours, une initiative majeure. «Ce sont ces unités qui sont destinées à supporter les projets qui vont s’installer dans la région, ce qui explique notre engagement» note le directeur. «Nous travaillons avec tous les grands du milieu, dont Alouette, Rio Tinto – IOC et ArcelorMittal. Quand de nouvelles initiatives s’établissent dans le secteur, nous voyons comment nous pouvons, soit former leurs employés, soit les aider dans la R & D (recherche et développement), puis maintenant, il y a tout le côté décarbonation où nous intervenons».

À l’égard du volet décarbonation auprès des entreprises, M. Beaudin rapporte l’exemple de l’actuel projet de capture du carbone aux cheminées. «Mais plusieurs autres se déroulent ou démarreront. Ajoutons qu’une cinquantaine de chercheurs sont présentement associés au Cégep de Sept-Îles. Le nouveau centre d’innovation permettra probablement de doubler ce nombre», tient-il à souligner. Pour lui, le territoire réunit toutes les conditions gagnantes.

«Le fer de très haute pureté, avec de faibles niveaux de rejet dans sa transformation, est à portée de main. Tout est déjà en place à Sept-Îles et nous avons l’espace pour être capables d’accueillir les infrastructures qui vont nous permettre d’aller plus loin. Ce qu’il nous manque, c’est un coup de pouce au niveau énergétique pour pouvoir produire les carburants verts qui vont être nécessaires pour faire ces transformations-là, mais en ce qui a trait au positionnement, la région est déjà au bon endroit, au bon moment. Quant aux projets qui sont examinés en ce moment, tout se fait en collaboration avec la communauté de Uashat Mak Mani-Utenam. Les Innus participent activement dans toute cette transition» dit Paul Lavoie, directeur général de Développement économique Sept-Îles.   

Autour de la proximité de la Fosse du Labrador, du carrefour logistique qui s’est constitué pour expédier le minerai de fer de haute pureté, du lien créé par le chemin de fer vers l’un des plus grands ports en eau profonde des Amériques chez nous, de l’énergie renouvelable. «Nous sommes dans un carrefour où il y a une disponibilité d’énergie qui pourrait permettre l’arrivée d’autres producteurs d’énergie verte en implantant de la capacité pour produire de l’hydrogène, mais également des dérivés d’hydrogène avec de l’ammoniac. Cet ammoniac devient un vecteur très intéressant puisqu’il offre des occasions de décarboner le transport maritime. Comme port, nous souhaitons qu’il  puisse y avoir, chez nous, cette possibilité de produire ces carburants afin de décarboner aussi une composante d’impact au niveau des GES qui est celle du transport maritime avec le trafic que l’on a sur le Saint-Laurent. Le port de Montréal et le port d’Anvers, en Belgique, ont lancé une initiative en vue de développer un corridor continental vert. Pour soutenir cette dynamique, ça prend du ravitaillement pour du carburant vert et au Port de Sept-Îles, nous voulons offrir ce carburant-là dans l‘avenir», affirme  Pierre Gagnon, président-directeur général du Port de Sept-Îles.  «C’est tout cela qui fait qu’ici, c’est l’un des très rares endroits sur le globe pour déployer tous ces projets industriels verts d’envergure», conclut David Beaudin.

Photo:  Port de Sept-Îles



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